Le Talisman
Paul Sérusier séjourne durant
l'été 1888 à Pont-Aven. Il y côtoie Paul Gauguin, dont il suit les conseils. De
retour à Paris, il montre à ses jeunes collègues, les futurs "nabis"
("prophètes" en Hébreu), ce qui va devenir leur "Talisman".
L'observation du tableau permet
de retrouver certains éléments du paysage représenté : le bois, en haut à
gauche, le chemin transversal, la rangée de hêtres au bord de la rivière, et le
moulin, au fond sur la droite. Chacun de ces éléments est une tache de couleur.
Selon Maurice Denis, Gauguin avait tenu à Sérusier les propos suivants : "Comment
voyez-vous ces arbres ? Ils sont jaunes. Eh bien, mettez du jaune ; cette
ombre, plutôt bleue, peignez-la avec de l'outremer pur ; ces feuilles rouges ?
mettez du vermillon".
Bien que soucieux de privilégier
la sensation visuelle, les impressionnistes n'avaient pas abandonné le rendu
illusionniste de la nature. Ici la conception mimétique est remplacée par la
recherche d'un équivalent coloré. Maurice Denis explique que devant ce paysage,
lui et ses amis se sont trouvés "libérés de toutes les entraves que l'idée
de copier apportait à [nos] instincts de peintre". La postérité verra -
rétrospectivement - dans ce tableau le manifeste d'une peinture pure, autonome
et abstraite, en le rapprochant de la célèbre déclaration de Maurice Denis
: "Se rappeler qu'un tableau, avant que d'être un cheval de bataille,
une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane
recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées", publiée
seulement en...1914, dans Théories...